Les auteurs des Dinosaures en BD vous expliquent les différentes étapes de création de leurs histoires et vous donnent leurs astuces !
Pour les enfants souhaitant réaliser une petite BD, nous avons réalisé un autre guide : Projet pour les enfants : faire une BD.
Étape 1 : recherche documentaire… et inspiration
Arnaud Plumeri (scénariste) : La première étape incombe à celui qui imagine et rédige les histoires, le scénariste.
Les auteurs de BD ont chacun leurs trucs pour créer leurs histoires. Mais le cas des Dinosaures en BD est spécial, car l’album se veut à la fois pédagogique et humoristique. En d’autres termes, il faut essayer d’apprendre des choses en étant amusant. Ça demande un effort intense de réflexion ! L’idée peut venir en 5 minutes ou en un mois dans le cas des thèmes plus compliqués, ça ne se décide pas à l’avance.
D’abord, je détermine si je veux parler d’un dino en particulier ou d’infos sur les dinosaures en général.
Dans le cas du gag page 39 du tome 2, il s’agit du Maiasaura. J’ai lu beaucoup de choses à son sujet, vu des reconstitutions de son nid… Le Maiasaura signifie « reptile bonne mère », il m’a semblé intéressant d’apporter un peu de douceur à l’album, de ne pas montrer que des combats de dinosaures, et de mettre en scène des animaux qui s’occupent de leurs enfants.
J’ai collecté différentes informations (taille, croissance des petits, migration…) , et imaginé une Maiasaura mère-possessive qui aurait du mal à voir ses enfants quitter le nid.
Maintenant, il faut mettre en scène tout ça : c’est l’écriture du scénario.
Étape 2 : l’écriture du scénario
Certains scénaristes préfèrent dessiner rapidement leurs idées, pour ma part je suis plus à l’aise avec l’écriture. Dans de rares cas, je fais un petit croquis pour Bloz.
Voici à quoi ressemblent mes scénarios :
Les scénarios sont conçus pour tenir sur 4 bandes, un standard dans la BD franco-belge. Comme vous le verrez plus loin, Bloz a choisi de rajouter une 5e bande, ce qui est plutôt rare dans nos albums.
Case par case, j’y indique le lieu de l’action, la description des personnages et de leurs actions, ainsi que leurs dialogues. Dans un cartouche apparaît régulièrement une « voix off » qui à l’image d’un documentaire animalier décrit la situation avec sérieux. De son côté, le dessin, souvent décalé par rapport au texte, contribue à rendre l’ambiance légère. À la fin des gags de présentation des dinosaures, on place une fiche signalétique avec ses informations essentielles et la taille du dinosaure par rapport à un humain.
Il m’a fallu pas mal de temps, avant le tome 1, pour trouver le bon système pour présenter des dinosaures et le ton à employer. Mais au fil des gags, j’ai fini par maîtriser de mieux en mieux cet exercice.
Pour guider Bloz, je joins à mes scénarios différents dessins ou photos qui me semblent appropriées. On retrouve malheureusement beaucoup d’images inexactes sur les dinos dans les livres et sur Internet, il faut savoir faire le tri ! Heureusement, je peux compter sur l’aide de plusieurs paléontologues qui relisent gentiment les gags pour éviter toute erreur scientifique grossière.
Étape 3 : les crayonnés, premiers dessins de Bloz
C’est maintenant au tour de Bloz de dessiner l’histoire, en apportant sa touche personnelle, comme vous pouvez le voir ci-dessous.
Étape 4 : l’encrage
Ensuite, la planche est encrée, comme vous l’explique Bloz.
Arnaud Plumeri
: une fois la page terminée, Bloz me l’envoie et je vérifie si elle correspond à ce que j’avais imaginé.
Dans la case 1, comme j’adore créer des chansons débiles, j’avais fait chanter à l’origine les Maiasauras. Je ne sais pas si Bloz n’avait pas la place pour mettre le chant, mais il ne l’a pas mis. Mais ça m’allait très bien, car je trouvais la bande bien jolie sans texte.
Étape 5 : mise en couleur
Quand la page est ok pour tout le monde (y compris l’éditeur Bamboo), celle-ci est numérisée (scannée) par un graphiste ou par Bloz, puis envoyée à la coloriste Maëla Cosson.
Arnaud Plumeri : Pour chaque nouvelle espèce, j’indique à Maëla les couleurs souhaitées. Le Maiasaura est un dinosaure à bec de canard que l’on peut confondre avec d’autres espèces présentées dans l’album. Pour éviter cela, nous essayons de donner des teintes différentes à chaque espèce et de faire apparaître des petits détails spécifiques, comme les rayures sur le dos.
Maëla Cosson, coloriste : Quand je reçois les planches, elles sont en noir & blanc et en haute définition comme on peut le voir plus haut. Je commence par réduire la taille des planches j’enlève les textes si besoin et après quelques autres manipulations, je peux commencer à travailler. Ce qui m’attend dans un premier temps consiste à « remplir » les différentes zones avec des couleurs. On peut assimiler ça à du coloriage, sauf que ça se fait sur ordinateur et que les opérations suivantes sont plus complexes. Donc, en premier lieu, je pose ce qu’on appelle des « aplats » de couleur (des zones simplement remplies d’une seule couleur) :
Et je fais ça sur toute la planche. À ce stade, j’obtiens une planche « préparée », elle me sert seulement de base pour la suite. Mais c’est une étape importante car maintenant je peux sélectionner facilement les différents endroits sur lesquels je vais travailler. Je commence par les dinos, en rajoutant des détails telles que les rayures, les tâches, les plumes, les ventres qui sont parfois colorés et j’en passe bien sûr…
Pour se faire, les indications d’Arnaud, qui est fort bien documenté me sont précieuses et c’est grâce aux images qu’il m’envoie et après concertation éventuelle entre auteurs que l’on obtient le résultat final. En général, chaque nouveau dino validé termine dans un dossier sur mon ordinateur. Il me servira ensuite de référence pour les planches ou les tomes suivants où il réapparaitra peut-être.
Je travaille ensuite les décors qui se composent la plupart du temps des arrière-plans et du ciel.
Et je passe ensuite aux ombres. C’est une étape importante qui permet de mettre en volume les dinosaures et le décor. En général je ne mets pas d’ombres dans les arrière-plan, pour que le dessin à l’avant-plan reste bien lisible et se détache mieux.
Je rajoute ensuite ce qu’on appelle un « calque » avec de la lumière, la plupart du temps sur le sol, les arbres et parfois sur les dinos. Disons que j’ajoute de manière diffuse et légère un peu de couleur jaune sur le décor. Cette étape apporte de la chaleur à l’ambiance générale un peu comme si on rajoutait du soleil finalement…
On en profite aussi pour rajouter des petits détails comme ici, la poussière au sol ou les trainées blanches pour montrer que la queue du dinosaure remue.
Voila, parfois c’est un peu plus compliqué que ça, mais la plupart des planches se font comme je viens de vous le décrire.
Étape 6 : finalisation
Un graphiste place tous les textes de façon plus propre, et voilà la résultat prêt à être imprimé.
Imaginez maintenant qu’il faut répéter ça 44 fois par album !
Bonus graphique : les effets de matière
Bloz : Sur certains gags, j’aime donner des effets de texture sur la peau des dinos, ici sur le T. rex.
Pour cela, je place sur mon encrage du scotch repositionnable un peu usé, puis j’y découpe des formes au scalpel. Je tamponne ensuite ces formes découpées avec un chiffon à gros grains imbibé d’encre de Chine, avec tact.
Lorsque l’encre est sèche, je retire délicatement le scotch et je termine mon encrage. Et voilà le travail !